Dans la foret de Fontfroide, l’eau s’y fait discrète, les sources sont timides. Même les sources historiques sont partielles, incertaines. Les seules intarissables, sont celles des contes et légendes qui enchantent le massif et ses abords. C’est peut-être la raison pour laquelle s’y promener ressource l’âme.
Au pied des Corbières Maritimes, sur le flanc Est, les bords des chemins rayonnent du rouge des coquelicots, du jaune des camomilles, du violet des géraniums sauvages. La prairie irrigue la vigne. Les accès à la forêt sont nombreux, tout comme les propriétés, qu’on aura peine à contourner. Alors que certains sentiers se perdent sous la garrigue, nous trouvons celui qui nous amène vers le sommet, avec une vue splendide sur Peyriac-de-mer, les étangs, la mer.
Arrivé au col, notre sentier en rencontre deux autres, dominés de quelques mètres par trois pics. Au milieu de ce carrefour, la borne de l’homme mort. Ces blocs de pierre sont des points de repères pour délimiter des parcelles, nous en croisons de nombreuses dans les Corbières. Celle-ci repose sur un quadrilatère de terre qui évoque une sépulture. Y-a-t-il vraiment quelqu’un là dessous ? À parcourir la carte vous trouverez de nombreux lieux à la dénomination similaire : la femme morte, l’homme mort. Comme un rappel que nous sommes dans un environnement aride, tourmenté, bien que rempli de vie.
Nous croisons surtout des oiseaux, des insectes, et quelques petits gibiers. Les humains ici sont rares. La foret semble endormie, presque oubliée. Ce n’est pas pour nous déplaire, mais c’est à se demander si nous ne marchons pas tous aux mêmes endroits, aux mêmes moments. Seuls quelques postes à feu et parterres débroussaillés témoignent d’une activité épisodique. Pourtant, elle a du en voir des voyageurs.
Sur ce qui n’apparaît sur la carte que comme un petit sentier, sans dénomination ni indication, de pierres taillées en blocs retournés, nous constatons que nous sommes sur une véritable route historique. La pente est douce, régulière, la voie assez large pour le passage de chariots, dont les roues ont creusé des sillons encore visibles par endroits. Mais que font toutes ces pierres de part et d’autres ? Nous avons la conviction que ce n’est pas un phénomène géologique, mais bien l’œuvre de l’Homme.
Nous en avons la confirmation en sortant de la foret, dans la plaine à l’ouest de Portel les Corbières. En arpentant la Via Domitia, depuis recouverte d’un asphalte usé, notre déception face à ce triste revêtement est compensé par l’observation de la même structure rencontrée en forêt : des blocs d’un côté pour consolider la route, des blocs de l’autre pour soutenir une culture en terrasse, avec quelques abris et habitations à l’aplomb de la voie.
Nous poursuivons jusqu’à la chapelle des Oubiels, bâtît au bord de cette voie antique, entre la colline de la Serre et le cour d’eau la Berre. La ruine conserve de majestueuses voûtes Gothiques. L’ancien cimetière est depuis fort longtemps recouvert par de vénérables oliviers. Leurs larges troncs plissés et fendus regardent la jeune oliveraie qui pousse patiemment en face d’eux, chacun ayant un nom et une date de naissance. La plaque indique « A Portel, un enfant naît. Ici un olivier est planté. Il est l’arbre de la paix. Que nos petits, elle n’abandonne jamais ».
Nous franchissons la Berre à gué, pour déboucher entre vignes et oliviers sur les flancs de la colline Dela l’Aygue. Ce secteur présente de nombreuses ruines indiquées sur la carte. Les premières que nous rencontrons, sous les pins, évoquent clairement un ensemble de bergeries et d’habitats pastoraux.
Nous poursuivons vers le Sud-Est, sur le promontoire de lou Castellas. À travers la végétation très dense, nous découvrons une ruine d’une toute autre nature. Des amas pierres, quelques unes bien assemblées laissent deviner de larges murs, la base d’un donjon, une porte archée qui regarde à l’Est. Et une profusion de tessons de terre cuite. À ses pieds, s’étend la vallée de la Berre, où en 737 l’armée des Francs repoussa celle des Omeyades. Des sources indiquent que le champ de bataille était dominé par un bâtiment fortifié, possiblement construit par les Wisigoths. En extrapolant, certains font le rapprochement entre ce bâtiment surplombant la bataille, avec le palais où le roi Wisigoths et la princesse impériale romaine Galla Placidia vécurent. Loin des fastes de têtes couronnées, ce site mystérieux, envahit par les ronces, sombre dans un bien triste oubli.
Nous rejoignons le sentier de grande randonnée du Golfe Antique, en longeant la Berre en direction de Sigean. Dans un méandre du cours d’eau, l’oppidum du Pech de Mau ou Pech Maho. Ce petit promontoire dépassant à peine de la plaine, abritait un village fortifié d’origine celtibère, largement remanié par les grecs, occupé par les carthaginois, possiblement détruit par les romains. Sur les sentiers alentours, les légionnaires ont laissé la place aux promeneurs du dimanche et à leurs fidèles compagnons.
Le 27 avril 2025, Olivier Carillo
🚩 Prat de Cest
🏁 Sigean, en passant par La forêt de Fontfroide, et Portel des Corbières.
📏 31 km, ⏱️ 9h de marche.
⚠️ Sentiers sans balisages, peu de points d’eau.
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